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Didier Chos : « Le changement des habitudes de vie ne passe que par le plaisir. »

Le fondateur de l’Institut européen de Diététique et Micronutrition réhabilite les médecines traditionnelles.

Spécialisé en nutrition, micronutrition et microbiotes, le docteur Didier Chos est le président fondateur de l’Institut Européen de Diététique et Micronutrition (IEDM). Il est directeur pédagogique des Diplômes Universitaires de Micronutrition (Universités de Strasbourg et de Casablanca) et, par ailleurs, l’auteur de nombreux ouvrages dans le domaine de la micronutrition, dont « En bonne santé grâce à la micronutrition » (Albin Michel, 2014) et « Maigrir Intelligent : et si tout venait de l’intestin, notre 2ème cerveau ? » (Albin Michel, 2015).

Médecin du sport, ancien sportif de haut niveau, consultant nutritionnel de l’équipe de France de natation, il est l’un des fondateurs de la micronutrition. Didier Chos est également résident secondaire à La Baule. Selon lui, « la science réhabilite les médecines traditionnelles » et c’est ce qu’il entend démontrer dans son dernier livre qui permet de mieux comprendre les rouages de notre organisme. Depuis le début du XXIe siècle, trois révolutions biomédicales ont bouleversé la conception que nous avions du fonctionnement de notre corps : « Elles nous ont appris que nous étions uniques, déterminés par nos gènes, mais aussi façonnés par notre mode de vie (ce que l’on mange, l’air que l’on respire, notre niveau de stress…) et par les milliards de bactéries peuplant nos microbiotes. C’est ainsi que la science rejoint les médecines traditionnelles… »

« Prenons le pouvoir sur notre santé ! Vers une médecine sur mesure » de Didier Chos est publié chez Solar Éditions.

Kernews : Vous expliquez que l’intestin est en réalité notre deuxième cerveau et qu’il exerce uneforte influence sur notre corps. Tout ce que notre corps reçoit a une importance, il s’agit des aliments, mais aussi des émotions, comme le stress, et tout cela a des conséquences sur notre santé. Mais n’est-ce pas du simple bon sens, puisque c’est quelque chose que l’on sait depuis des siècles ?

Didier Chos : Cette observation est tout à fait valable, puisque l’on reprend une notion ancestrale : celle de l’hygiène de vie. On sait que la médecine moderne a accompli des progrès assez fantastiques depuis ces dernières décennies. Elle a réussi à vaincre un certain nombre d’épidémies, puis des maladies. Mais, malgré tous ces progrès, on s’est rendu compte qu’elle n’avait pas réussi à être pertinente sur ce que l’on appelle les maladies de civilisation : ces maladies sont l’obésité, le diabète, le cancer, les maladies auto-immunes, les allergies… On a fait d’énormes progrès sur la médecine curative mais, sur la prévention des maladies, on n’a pas été très bon…

Maintenant, la science rattrape la tradition. Or, la tradition c’était prévenir plutôt que guérir…

Si l’on prend le domaine de la nutrition, on voit bien que la nutrition de ces dernières décennies s’est essentiellement préoccupée des problèmes de surpoids. Hippocrate, qui est le père de la médecine et de l’alimentation, a toujours dit que l’alimentation était le premier médicament. Il pensait que tous les problèmes d’hygiène de vie avaient des conséquences, c’est-à-dire la façon de remplir son assiette, mais aussi la façon de bouger et tout ce que l’on appelle aujourd’hui la gestion du stress et du sommeil. Dans nos sociétés modernes, nous sommes tous confrontés à des stress multiples et variés, qui sont de tout autre ordre du stress d’il y a des milliers d’années… Aujourd’hui, les stress qui posent véritablement problème sont des stress relationnels, dans la vie de tous les jours, mais aussi dans la vie professionnelle. Aujourd’hui, on parle de cette évolution du stress vers la dépression et le burn-out, tout simplement parce que ces éléments font que, même si nous ne développons pas des maladies aiguës, nous développons des pathologies qui nous entraînent tous à partir de 55 ans vers des pathologies chroniques. On observe une réalité inquiétante : certes, la longévité s’est bien améliorée, on arrive à gagner un trimestre tous les deux ou trois ans mais, depuis dix ans, la longévité en bonne santé est en train de régresser !

La longévité en bonne santé régresse et l’espérance de vie diminue chez les classes populaires…

Oui. Quand on parle de la longévité, on mélange toutes les classes sociales et l’on n’a pas une idée très précise sur l’impact que peuvent avoir au niveau de la véritable longévité les problématiques liées au mode de vie. Sur le stress, l’alimentation ou l’activité physique de qualité, il est évident que les classes sociales les plus défavorisées n’ont pas les modalités d’hygiène de vie qui sont les meilleures pour préserver cet état de santé.

Un groupe d’assurances a réalisé une étude intéressante sur le viager : ainsi, lorsqu’une personne vend sa maison en viager, elle reste à son domicile, elle perçoit une rente chaque mois et son espérance de vie augmente parce qu’elle est plus heureuse…

Cet exemple, que je ne connaissais pas, est assez cohérent avec le fait que plus on avance en âge, plus les notions de sécurité et de mieux-être sont importantes. Le mieux-être et le bien-être sont des états de santé qui ne sont pas toujours bien compris par la médecine et, plus on avance en âge, plus on se rend compte que c’est sur ces notions qu’il faut véritablement faire des progrès. Avec la micronutrition, on s’est rendu compte que si l’on voulait donner de bons conseils en matière d’alimentation et de santé, il fallait de plus en plus personnaliser le conseil. Faire des recommandations générales, c’est très bien, mais la personnalisation est le garant de l’efficacité. Un certain nombre de connaissances scientifiques modernes, dont tout le monde entend plus ou moins parler, nous permettent de comprendre que, depuis quinze ans, il y a trois révolutions qui bouleversent l’approche de la médecine et l’approche médicale classique qui repose sur des recommandations, des statistiques ou la santé des populations. On évolue vers la médecine personnalisée et cette notion gagne la médecine préventive, mais aussi la médecine classique, la médecine curative : c’est-à-dire que, de plus en plus, les médicaments vont être destinés à chaque personne, puisque nous ne gérons pas les médicaments de la même manière. En matière de prévention, la façon de mieux manger et la façon de bouger sont très importantes. Nous n’avons pas une même approche en matière de motivation, parce que nous avons tous des structures de personnalité qui font que certains sont attirés par certaines modalités de motivation et d’autres non. Donc, si l’on veut prodiguer des conseils pertinents, les professionnels de santé doivent devenir des médecins qui pratiquent la médecine personnalisée.

Votre livre ne se termine pas par des recommandations de santé ou de bien-être, mais par un questionnaire et il y a des rails différents selon son état : ce que vous pouvez préconiser en hiver ne sera pas la même chose au printemps. Ce que vous conseillerez à une personne qui ne travaille pas beaucoup ne sera pas la même chose si elle est en plein stress. Et ainsi de suite…

C’est tout à fait vrai. Jusqu’à présent, on explique que la santé, ce n’est pas un capital, ce n’est pas quelque chose qui nous tombe du ciel et que nous allons simplement la gérer. On demande que chacun prenne en charge sa santé. C’est bien de prendre en charge sa santé, mais il faut d’abord comprendre de quoi il s’agit et nous avons souhaité aider les gens à prendre le pouvoir sur leur santé. Pour cela, il faut savoir dans quelle dimension nous nous situons et c’est pour cette raison que nous évoquons différents profils. Nous avons travaillé pendant une vingtaine d’années sur les profils nutritionnels et nous nous sommes rendu compte que si des personnes souhaitaient perdre un peu de poids ou avoir une alimentation qui leur convienne mieux, en raison de leurs intolérances alimentaires ou de leurs problèmes digestifs, il y avait des profils particuliers tout à fait différents et nous avons proposé des alimentations santé différentes en fonction des profils. Pour tous les autres problèmes de santé, que ce soit pour l’activité physique, la façon de gérer son stress et son sommeil, ce n’est pas la même chose… Nous avons déterminé quatre profils très différents de personnes qui présentent des orientations de perturbations de santé particulières. Sur le problème digestif, avec les milliards de bactéries qui contribuent à informer notre organisme de tout ce qui rentre et de tout ce qui sort, tout cela est éminemment important. Il y a des gens qui ont des perturbations digestives et cela fait le lit de beaucoup de pathologies. Il y a des gens qui digèrent mal, avec des problèmes de transit, des ballonnements et parfois des allergies.

Prenons l’exemple du chef d’entreprise : il y a trente ans, il allait déjeuner jusqu’à 15 heures, il buvait du vin, il était détendu, mais il était en surpoids. Aujourd’hui, la jeune génération d’entrepreneurs n’accorde que 20 minutes à son repas. Ils boivent de l’eau, ils ne sont pas en surpoids, mais ils sont tout aussi stressés…

Il n’y a pas de modalités de style de vie qui vont convenir à tout le monde. Si on prend l’exemple de la vision un petit peu à l’ancienne, avec le responsable de l’entreprise qui traite ses affaires lors d’un repas parfois bien arrosé, c’était une façon de gérer son stress avec une alimentation agréable…

Les ondes positives intégraient le cerveau, mais les ondes négatives pénétraient dans l’estomac…

Voilà ! Les gens qui sont dans le domaine commercial développent un terrain insulinique, avec le risque de développer des pathologies de type métabolique ou cardio-vasculaire. C’est le risque de l’alimentation en trop. Mais l’alimentation en moins, si l’activité est très stressante, comme l’exemple que vous prenez, il est évident que ce n’est pas forcément un mode de vie idéal et la personne va développer des pathologies liées au stress. L’hyper motivation crée une sorte de dopage naturel qui fait que les gens ne se rendent pas compte qu’ils sont en surmenage. Mais le surmenage, c’est l’hyperactivité d’une hormone très importante qui s’appelle le cortisol et c’est une pompe à mauvaise santé. Ce cortisol qui est en permanence hyper stimulé crée des pathologies qui peuvent être extrêmement graves chez les gens prédisposés, notamment avec des pathologies d’ordre cancéreux. Donc, il n’y a pas un mode de vie qui remplacerait un autre. Quand on regarde la classique hygiène de vie regroupant la bonne alimentation, la bonne activité physique et la gestion du stress et du sommeil, on voit bien que la recette idéale est l’harmonie entre toutes ces tendances.

Dans notre société actuelle, ce n’est pas toujours possible…

Ce que vous dites est vrai. Cela paraît compliqué quand on n’y arrive pas, mais c’est aussi l’objet de mon livre. Il faut aider la personne à ne pas subir les difficultés de se mettre en hygiène de vie. C’est une façon de prendre le pouvoir, c’est une autre philosophie de vie qui n’est pas incompatible avec des activités professionnelles ou culturelles et c’est quelque chose qui peut servir à l’épanouissement de l’individu dans toutes ses dimensions. Un chef d’entreprise va être d’autant plus performant quand il regardera comment tout cela fonctionne et c’est pour cette raison que nous avons fait œuvre pédagogique pour que tout le monde puisse comprendre ce qu’est la santé et en quoi manger mieux joue sur la prévention des maladies, mais aussi sur le fait de se sentir bien dans sa peau et très performant : on est plus séduisant, on a l’impression que la peau de son visage est de meilleure qualité, on a envie de mordre la vie… Et tout cela est très agréable… Le changement des habitudes de vie ne passe que par le plaisir ! Aujourd’hui, on dit toujours que telle ou telle chose est bonne pour la santé, mais essayons de définir ce qu’est la santé. Nous avons une métaphore intéressante pour sortir de la notion de capital santé, qui ne veut pas dire grand-chose, et nous parlons plutôt de maison de santé : sa maison, on la construit et on l’entretient… Or, c’est la même chose pour la santé. Elle se construit sur des modalités qu’il convient de bien comprendre pour entretenir les murs porteurs, le toit et tout l’aménagement de sa maison. On donne des recettes pour bien comprendre comment notre maison de santé fonctionne, comment elle s’est construite, comment on l’entretient et ce qu’il faut faire en fonction de son terrain particulier pour que les choses aillent dans un meilleur sens et qu’en plus nous puissions avoir la maîtrise de soi. On ne donne pas son organisme à la médecine comme on confie sa voiture chaque année pour faire un contrôle qualité…

Parfois, on fait davantage attention à sa voiture : les gens s’affolent de la moindre rayure, mais ils ne prennent pas soin d’eux et ils infligent des rayures à leur organisme…

Vous avez raison et nous avons fait cette comparaison entre les modalités de contrôle qualité d’une maison, quand vous voulez acheter un bien immobilier, et quand on confie sa santé à la médecine… En médecine, le contrôle qualité consiste en quelque sorte à regarder s’il n’y a pas de fumée qui sort du tuyau d’échappement et, si la carrosserie n’est pas trop cabossée, on n’ouvre pas le capot… Au mieux, on confie cela à des médecins qui sont chargés de voir si vous n’allez pas mourir demain… On a un bon système pour savoir si l’on n’est pas malade, mais notre système n’est pas pertinent pour savoir si l’on est en bonne santé !

Malgré tout, on retrouve une trame générale, comme faire de l’exercice physique, manger des fruits et légumes, boire de l’eau…

Ce n’est pas ce que je mettrais en premier, parce que votre présentation n’est pas « sexy » ! C’est toute la subtilité d’un équilibre de vie. Une alimentation intéressante, ce n’est pas une alimentation qui évite ou qui conseille : c’est d’abord une alimentation extrêmement variée et, dans la variété, on n’exclut rien. Trop manger ou mal manger devient un substitut des modalités de gestion du stress et c’est là où l’hygiène de vie n’est pas adéquate. Mais la bonne alimentation, la bonne activité physique et la bonne gestion du stress et du sommeil, c’est la prise en compte des besoins de chacun et une négociation permanente. Une meilleure alimentation permet de mieux bouger et mieux bouger permet de mieux s’alimenter. Bien bouger et bien s’alimenter permettent de mieux gérer son stress. Et mieux gérer son stress permet de mieux gérer son sommeil… C’est donc un cercle vertueux ! La notion classique visant à imposer un certain nombre de règles pour avoir une bonne santé n’est pas très motivante…

On entend souvent dire qu’il faudrait petit-déjeuner comme un roi, déjeuner comme un prince et dîner comme un mendiant. Que pensez-vous de ce principe ?

Les phrases un peu convenues de ce style ont été largement battues en brèche par des études. Par exemple, prendre un petit-déjeuner ou non peut-il influer sur la prise de poids ? Des études récentes ont montré que l’on ne voyait pas de différence. S’il y a une règle intéressante sur le plan alimentaire, c’est que, pendant toute la journée, la variété et l’équilibre des éléments doivent être respectés. On observe que l’on a eu trop tendance à manger beaucoup dans la journée et que l’on a plutôt tendance à équilibrer son alimentation sur moins de repas par jour. Pour ceux qui ont une tendance naturelle – ce qui est mon cas, en tant qu’ancien sportif – à prendre facilement du poids dès qu’ils arrêtent l’activité physique, le fait de rester pendant 12 à 15 heures sans manger chaque jour, ce que l’on appelle le jeune séquentiel, est extrêmement positif pour un tel profil. Donc, dire qu’il faut manger beaucoup le matin et peu le soir, c’est peut-être vrai quand on est un agriculteur qui est aux champs à six heures du matin, mais ce n’est pas forcément vrai pour tout le monde. Aujourd’hui, on est moins dans le diktat et on s’adapte plus au profil de l’individu pour essayer de lui proposer des règles de vie plus adaptées et qui conviennent à son profil, à ses capacités et à ses désirs.

Donc, si quelqu’un fait un excès un soir, ce n’est pas grave s’il se restreint le lendemain ?

Le fait de faire un très bon dîner au moment d’une grande occasion n’implique pas que, le lendemain matin, on consomme un petit-déjeuner avec toutes les viennoiseries du monde et que l’on festoie le lendemain midi ! Quand on a fait un bon repas, on n’a pas très faim le lendemain et, si l’on peut faire une très longue marche, on peut parfaitement équilibrer les excès alimentaires au jour le jour. Les diktats ne sont plus tellement à la mode. En plus, on sait que cela ne marche pas très bien, parce que si certaines personnes sont capables de suivre des conseils, on sait que cela s’arrête au bout de quelques mois. Le job des soignants et des professionnels de santé est d’abord de donner des clés pour aider les gens à mieux comprendre les solutions pour une meilleure santé et leur expliquer comment leur santé fonctionne. Après, on se met d’accord sur ce que l’on a envie de faire. Le professionnel de santé est aussi un coach. C’est quelqu’un qui va accompagner les personnes grâce à ses compétences et cela ne se fait pas forcément en deux ou trois mois… Il s’agit, avant tout, de faire quelque chose de durable.

On sait qu’il est important de marcher, mais vous nous conseillez de ne pas marcher trop vite, car le cerveau réclamera ensuite plus de nourriture si l’énergie dépensée est trop importante…

Les personnes qui se remettent à l’activité physique pensent toujours que le plus est le mieux. Mais le plus n’est pas le mieux parce que, quand vous atteignez ce que l’on appelle le Cross Over point, c’est-à-dire le seuil à partir duquel votre énergie est fournie à partir de vos sucres, si vous consommez plus de sucres que de graisses, à la fin de votre effort vous allez avoir faim et vous serez fatigué. Or, si vous êtes en dessous de ce seuil limite, ce que les spécialistes appellent le seuil ventilatoire, c’est beaucoup mieux toléré, les sensations sont agréables et, en plus, à la fin vous aurez peut-être moins faim et vous serez moins fatigué qu’au départ. C’est ce rythme qu’il faut essayer d’adopter quand on se remet à une activité physique pour, progressivement, avancer de manière à ce que, petit à petit, d’une activité physique zéro, vous passiez à une activité physique de marche quotidienne. Et puis, après, progresser en faisant de l’entraînement et un peu de footing. Mais on ne commence pas par une activité intense, c’est contre-productif.

 

Écrit par Rédaction

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